Le titre de cette brève aurait pu être « Et il n’en resta plus qu’une » ! Mais qui se cache derrière ce « une » ?
Réponse : c’est celle qui détrône toutes les autres : la préposition « sur », que l’on entend et lit (presque) partout, (sur)utilisée à tout bon de champ, épuisée, essorée, rincée, sans modération et bien peu de considération pour les autres, les « à », « dans/en », « d’après », « pour », qui sont délaissées, oubliées, mises sur pause. Voici quelques exemples* :
• Vous avez sur le salon de très beaux volumes ;
• La boulangerie la plus proche se situe sur le coin de la rue ;
• Il faut le considérer sur un autre angle ;
• Le moment était venu de tourner la page, de passer sur autre chose ;
• Je me cantonne sur mes études ;
• J’ai postulé sur ce poste, mais un autre candidat a été choisi ;
• Les vêtements sont déclinés sur plusieurs coloris ;
• En route sur une autre aventure ;
• Je suis perdu sur la chronologie des événements ;
• Sur le départ de ma carrière, je n’avais aucune idée de ce que je faisais ;
• Je les ai achetées sur leur morphologie ;
• J’ai retrouvé sa trace sur le biais d’Internet ;
• Si on part sur le principe que… ;
• On a des nouvelles sur la sortie du troisième tome ? ;
• Sur une idée originale de [affiche de film👇], etc.
Je n’ai pas retenu tout ce qui m’a heurté l'oreille, mais je peux vous assurer qu’il ne passe pas un jour sans que je ne souffre pas un peu plus de ce déchirement auditif (oui, je dramatise 😆). Le plus « amusant » ? Quand il est tout à fait légitime de l’utiliser… « sur » ne l’est pas. C’est à en perdre son latin ! (En voici un, entendu il y a peu : « dans la même longueur d’onde » ; il est assez intéressant de constater que « sur » prend souvent la place des autres, mais se fait de temps en temps voler la sienne.)
Bref, cet usage abusif me « froisse » les tympans… et me laisse un poil perplexe 🤨 Parce que d’autres l’écrivent mieux que je ne saurais le faire, je retranscris ci-dessous les propos de M. Maurice Druon, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie française en 2002, rapportés sur le site du dictionnaire de l’institution :
« Je vais descendre sur Marseille. » Vous trouvez-vous donc en hélicoptère ? « C’est pour travailler sur la région Provence-Côte d’Azur. » A-t-elle besoin d’être modifiée, redessinée ? Sans doute, puisqu’on envisage de « créer un nouveau canton sur la troisième circonscription du Var. » Mais par quel procédé ? Peut-on élever un canton ou le poser ? Cette pauvre préposition sur est harassée. On la met à toutes les sauces. Elle nous vient après plusieurs avatars du latin super, supra. On l’a chargée au fil du temps de bien des sens, propres ou figurés, matériels ou abstraits. Mais pourquoi lui impose-t-on, de surcroît, d’exprimer des indications qui ne comportent nulle notion de position, de supériorité ou de domination ? Il y a là un abus qui devient un tic. Soyons sur nos gardes pour n’y pas céder.
Et j’y ajoute, toujours issu de l’Académie française, cet article, que vous pouvez retrouver en suivant ce lien :
La préposition « sur » ne peut traduire qu’une idée de position, de supériorité, de domination, et ne doit en aucun cas être employée à la place de « à » ou de « en » pour introduire un complément de lieu désignant une région, une ville et, plus généralement, le lieu où l’on se rend, où l’on se trouve. On ne dira pas « je travaille sur Paris », mais « je travaille à Paris », « je vais sur Lyon », mais « je vais à Lyon », « ils cherchent une maison sur la Provence », mais « ils cherchent une maison en Provence ».
Sur ce… sujet, j’en ai fini, même s’il y a beaucoup à dire. (Et si vous voyez une faute dans ce post, dites-le-moi, bien sûr !)
*Je vous laisse le soin de replacer les bonnes prépositions. Vous avez deux heures ! 😁
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